Sortie du 3 août à Miremont, Cendrieux et Rouffignac
COMPTE-RENDU DE L’EXCURSION DE L’ASSOCIATION
3 AOUT 2019
C’est par une journée d’été parfaite, à peine un peu trop chaude en fin d’après-midi, que l’excursion traditionnelle de l’association SOMP s’est déroulée. 24 participants s’étaient donné rendez-vous sur la place de la Mairie.
La sortie annuelle a été marquée par une traversée de l’histoire qui nous a fait commencer par le plus haut Moyen-Âge et l’imagination qui nécessairement l’accompagne, avec la forteresse de Miremont, continuer avec le musée Napoléon de la Pommerie à Cendrieux et l’ « histoire épopée », et terminer avec l’histoire contemporaine et tragique avec la maison du 31 mars 1944 à Rouffignac.
LA FORTERESSE DE MIREMONT
Situé sur un éperon rocheux, la forteresse domine deux vallées. Le propriétaire des lieux nous ont très aimablement reçus et la visite guidée a été très pédagogique. Sa formation, qui l’a amené pendant des années à diriger des chantiers notamment dans la région parisienne, aide à faire comprendre les défis qui se sont posés et se posent toujours dans l’accomplissement d’un aussi vaste projet.
Un peu d’histoire avant d’aborder quelques éléments d’architecture, très représentative de l’histoire des châteaux forts en Périgord.
Le château de Miremont est situé dans la commune de Mauzens-et-Miremont, la châtellenie était très importante puisqu’elle comprenait Miremont, Mauzens, Savignac-de-Miremont, Saint-Cernin-de-Reilhac, Mortemart, Fleurac, Manaurie, une partie de Rouffignac et une partie de Journiac. Le château est situé sur un impressionnant éperon, à quelques kilomètres du village et donne sur l’ancienne voie ferrée Paris- Agen au long de laquelle s’illustra Gustave Eiffel dans les ouvrages d’art. Il domine le bourg castral de Miremont et les vallées du Manaurie et du Brungidou, d’où le nom de Miremont (mire : regarder).
Si l’histoire très ancienne ne nous est pas bien connue (de nombreux documents sont dispersés en France et en Angleterre, jusqu’à la tour de Londres elle-même !) on peut commencer son histoire à la Guerre de Cent ans. Du XIIème siècle au XIVème siècle, c’est la lignée des Bouville qui règne sur Miremont, dépendant de Limeuil. En 1307, Galhard de Bouville, seigneur de Miremont, meurt. Son frère Arnaud est chanoine et ne peut donc pas lui succéder. En 1316, les Bouville sont évincés lorsque Philippe le Bel remet la châtellenie de Miremont à un cousin de la famille, Pierre de Galard, qui est Colonel Général de l’Infanterie et Gouverneur de Flandre. Son fils Jean de Galard lui succède aux alentours de 1340, alors que la guerre de cent ans débute en Périgord1. Après la prise de Bergerac, le 24 août 1345, la seigneurie de Limeuil est occupée par des garnisons anglaises. Jean de Galard, Baron de Limeuil et Miremont est fait prisonnier à Bergerac. Ses places fortes capitulent les unes après les autres. Miremont selon le grand historien de l’époque Froissart, résiste trois jours aux anglais. Miremont fut repris par les Français, puis les Anglais, tour à tour. Henry de Grosmont, le comte de Derby, ordonne la réparation et l'achèvement des remparts.
1 Elle ne se terminera qu’en 1453, comme on le sait à la bataille de Castillon
Miremont tombe dans l’escarcelle d’une nouvelle famille en 1397. Le fils de Nicolas de Beaufort, Jean, est allié des Anglais. Son frère, Pierre de Beaufort, lui succède. Sa fille Anne épouse un rejeton issu de la famille de la Tour d’Auvergne. En 1504, sa fille devient propriétaire de Miremont avant que son neveu François de la Tour ne rachète les lieux en 1516. Ce domaine ne représente plus alors un atout stratégique car la France, entrée dans la Renaissance avec des châteaux-forteresses désormais militairement dépassés, est en paix. Il le revend donc pour accroitre sa fortune.
Etienne de Bonald en est l’acquéreur en 1516. Son fils, Pierre de Bonald épouse Catherine d’Aubusson en 1543, issue d’une éminente famille de la Marche. A la mort de son mari, elle rachète la forteresse. Durant deux siècles, huit générations d’Aubusson vont se succéder à la tête de Miremont. Il appartient à Catherine Françoise d’Aubusson de la Feuillade lorsque la révolution éclate. Elle fuit dès 1789. Peu de temps après, le domaine et le château sont vendus aux enchères. La forteresse est en partie démolie. Certaines de ses pierres furent utilisées pour la construction de demeures dans les environs. Le château, après bien des déboires, fut acheté par le propriétaire actuel.
Du point de vue architectural, Miremont s’inscrit dans la lignée des grands châteaux militaires du Moyen-âge. Ce qui frappe à l’arrivée sur site, c’est l’immense donjon roman à contreforts plats du XIIème, remanié à la Renaissance sans que cela soit du reste très apparent en raison de l’état dégradé. C’est sans conteste la pièce maîtresse de l’édifice. Il est quadrangulaire et le regard du visiteur est rivé sur l’impressionnant mur, long de 8 m, haut de 22 m et épais de 3 m, orné de trois contreforts plats larges de 1.05 m, saillants de 0.25 m, faisant face au nord. Ces trois contreforts sont alignés et parfaitement à la verticale ce qui prouve la maîtrise des architectes et des bâtisseurs de l’époque qui ne disposaient finalement que de cordes et de fils à plomb. Le donjon est prolongé vers l’est par un reste de mur, avec ce que l’on appelle un appareil en arête-de-poisson (les pierres sont inclinées alternativement vers la droite ou la gauche), considéré comme très solide et qui est daté généralement du XIème siècle, au plus tard XIIème siècle.
Lorsqu’on se dirige de quelques pas toujours vers l’est, on se retrouve devant ce qu’il faut imaginer avoir été le pont-levis. En contrebas on voit bien le fossé protégeant ce flanc plus vulnérable (la partie sud se termine par une falaise imprenable) et qui est en voie d’excavation… mais le travail promet d’être long car il est comblé sur une hauteur de plusieurs mètres (12 mètres) et l’archéologie est une activité prudente : on travaille à la truelle et au pinceau !
Une première enceinte enserre la forteresse. Les courtines bâties intègrent un donjon au nord ainsi que des bastions au sud, à l’ouest et au nord. Sur cette enceinte s’appuie le village fermé par une seconde enceinte, ponctuée de portes permettant d’en barrer l’accès.
L’angle des murs Sud et Est s’est effondré vers 1891 à la suite de travaux de construction du chemin de fer. Il a alors perdu les deux tiers de sa hauteur laissant apparaître les traces de trois fenêtres à meneaux au sud et deux cheminées à l’est. On distingue d’ailleurs une coulée d’une couleur indéfinissable, reste de latrines… Sur le mur ouest subsistent deux fenêtres à meneaux. Certains bâtiments, dont le donjon lui-même, présentent des voûtes. Deux d’entre elles, en partie effondrées, furent rapportées au XVe siècle ainsi qu’une couronne de mâchicoulis bordant la terrasse sommitale, dont l’escalier d’accès est situé dans l’épaisseur du mur nord. Son toit était recouvert de lauzes.
On trouve aussi bien sûr les vestiges (il faut solliciter son imagination mais on y parvient) de tout château moyennâgeux qui se respecte : la chapelle , longue et étroite) dont on ne voit plus que les sommet d’une fenêtre ogivale … à nos pieds, quatorze pièces et des cheminées monumentales ( qui nous sont restées interdites pour des raisons évidentes de sécurité). On devine encore la herse.
Le bon repas, coupure bienvenue, a été pris au restaurant Le Moulin de Souffren, à quelques encablures de là sous des parasols qui ont fait office de tonnelles.
UN MUSEE NAPOLEON INATTENDU
Alors que Napoléon qui n’est jamais venu en Dordogne (le pauvre…). Pourtant, un Musée Napoléon, au château de la Pommerie à Cendrieux ouvre au public ses collections privées constituées de souvenirs de la famille Impériale.
Nous y avons été reçus par le propriétaire, un homme d’une classe et d’une distinction exceptionnelles, le comte Baudouin-Napoléon de Witt, un descendant de Jérôme Bonaparte (le roi Jérôme), un des frères cadets de Napoléon Bonaparte. C’est par son histoire et celle de sa famille que nous commencerons. On n’oubliera pas cependant de mentionner ici la compétence et l’amabilité de la gardienne qui rendent cette visite particulièrement agréable.
Le roi Jérôme eut plusieurs enfants dont la princesse Mathilde, figure éminente du Second Empire, et le prince Jérôme Napoléon, dit « Plon-Plon » dont nous avons admiré plusieurs bustes et peintures. Il fut souvent en désaccord avec le parti bonapartiste, au point que le fils unique de Napoléon III, Eugène-Louis (dit le Prince impérial, décédé célibataire) préféra confier, par son testament daté du 26 février 1879, la défense de la cause bonapartiste à son cousin, le prince Victor. La querelle dynastique ne prit d’ailleurs fin qu'à la mort de ce « Plon-Plon ». Victor Napoléon, fils de Jérôme, devint donc l'héritier présomptif du trône après la mort de son cousin le Prince impérial1. Il semble que ce fut un souhait de l'ex-impératrice Eugénie, qui survécut près d'un demi-siècle à son époux déchu et à son fils unique, exilés ensemble en 1870 en Grande-Bretagne, que de vouloir constituer en majorat autour du titre de « prince Napoléon », chef de la Maison impériale, son important patrimoine. Le prince Victor dut s'exiler en Belgique quand le gouvernement républicain fit voter le 22 juin 1886 la loi d'exil, interdisant aux prétendants au trône et fils aînés des chefs des familles royale et impériale ayant régné sur la France de vivre en France. Cette disposition fut abrogée par une loi du 24 juin 1950. En 1881, certains tableaux et sculptures furent mis en vente publique à l'Hôtel Drouot à Paris, où des œuvres furent rachetées par Firmin Rainbeaux, ancien écuyer de l'Empereur.
Dans les années 1890, le prince Victor avait chargé le comte Fleury et le marquis de Girardin, membres de son service d'honneur, de repérer et d'acquérir pour lui sur le marché de l'art parisien2 des objets et souvenirs de l'époque impériale, recherchés entre autres amateurs et historiens du Premier Empire, par Paul Marmottan et Frédéric Masson, ami du prince. Quant à son frère cadet Louis, officier dans l'armée russe, non concerné par la loi d'exil de 1886, libre de séjourner en France, il put se livrer à cette quête sans intermédiaire.
A ce titre d’héritier de petit-fils du plus jeune frère de Napoléon 1er, et chef de la Famille Impériale, le prince Victor put donc recueillir une grande partie de l'héritage napoléonien. En 1910, à Bruxelles, il épousa Clémentine, princesse de Belgique, fille du roi Léopold II3. En 1926, à sa mort, il laisse un grand nombre de souvenirs prestigieux à ses enfants, qui sont cependant encore mineurs ; cette situation successorale alliée à des problèmes juridiques empêcha sa veuve de conserver la demeure anglaise de Farnborough Hill, et son contenu qui firent l'objet de deux ventes aux enchères publiques sur place en juillet 1927. Ces vacations permirent par l'action de marchands d'art comme Élie Fabius et d'amateurs, à certains objets et souvenirs d'entrer plus tard dans le patrimoine national français, comme Le prince impérial et son chien Néro (musée d'Orsay).
1Il fut tué le 1er juin 1879 sous l'uniforme anglais ( !) lors d'une bataille contre les Zoulous en Afrique australe.
2 Ainsi Élie Fabius, l’arrière-grand père de Laurent, leur vendit en juillet 1897 une selle et ses accessoires ayant appartenu à Napoléon III
3 Laetitia de Witt, docteur en Histoire et fille du comte de Witt, a publié en 2007 chez Fayard une biographie de son ancêtre, le prince Victor Napoléon que l’on peut admirer (et acheter) à l’entrée du musée.
En 1949, la princesse Marie-Clotilde Napoléon, fille du prince Victor Napoléon, mariée au comte de Witt, s’installe donc à la Pommerie, en Périgord. En 1976 le prince Napoléon et la comtesse de Witt, sa sœur, transmettent à l'Etat une partie significative de cet héritage faisant partie du patrimoine national. En 1999, le fils de Marie-Clotilde, le comte Baudoin de Witt et son épouse Isabelle décident d’ouvrir leur manoir au public afin de présenter, dans le cadre intime de cette demeure, une collection restée jusqu’alors inconnue. Il demande et obtient le classement par la Caisse des Monuments Historiques de plus de 150 objets parmi une collection constituée de plus de 600 pièces.
Le « Musée Napoléon », installé dans un château qui est dans l’état des dernières transformations de 1854. Il date de 1792 et avait comme bien d’autres été vendu comme bien national, il est aujourd’hui inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historique.
Beaucoup de portraits y sont exposés : Napoléon Ier, Joséphine, Marie-Louise, le roi de Rome, Napoléon III, le roi Jérôme et son épouse la princesse Catherine de Wurtemberg, le prince impérial, le prince Victor Napoléon, mais aussi la famille royale de Belgique dont le comte de Witt fait partie.
En dehors des très nombreux objets personnels de Napoléon Ier et de sa famille, le musée expose aussi nombre de ces objets créés pour la propagande de l'Empereur. Beaucoup de gens du peuple ont créé de leurs mains ces objets de culte et que leur vénération pour leur dieu n'était pas le seul résultat d'une habile propagande. Ce culte s'est poursuivi bien après la mort de l'Empereur en 1821, notamment, sous la Restauration, parce qu'il incarnait le souvenir des jours de liberté et de gloire, alors que les Bourbons se comportaient comme si la Révolution n'avait pas eu lieu. Tous ces objets « pieux » sont exposés dans la salle dans laquelle on pénètre juste après la billetterie.
Une anecdote assez scabreuse parmi d’autres et que nous sommes nombreux à avoir retenue. Quand l'archiduc Rodolphe de Habsbourg, fils de François-Joseph Ier d'Autriche (1830-1916) et prince-héritier du trône d'Autriche-Hongrie, se fut brûlé la cervelle en compagnie de sa maîtresse Marie Vetsera (1871-1889), son épouse, la princesse Stéphanie de Belgique (1864-1945), apprit simultanément son infortune et son veuvage. Sa sœur, la grand’mère du propriétaire actuel, la princesse Clémentine de Belgique (1872-1955), qui était très attachée à sa sœur Stéphanie mais aussi à son beau-frère Rodolphe d'Autriche, demanda à Stéphanie de lui envoyer un objet en souvenir de Rodolphe. Sans penser au double sens que pouvait avoir cet objet, Stéphanie lui envoya une poire à poudre en ivoire sculpté qui portait sur une face un portrait en pied de François-Joseph et de Rodolphe, et sur l'envers, le chiffre de Rodolphe. Une visite inoubliable et à refaire à titre personnel.
Nous avons repris les voitures pour revenir vers Rouffignac.
La maison du 31 mars 1944 à Rouffignac
Enfin, c’est ici l’histoire tragique. Car le destin de Rouffignac a basculé les 31 mars et 2 avril 1944. En représailles des actions du Maquis, le village sera entièrement incendié par la Division Brehmer, à l'exception de l'église et des trois maisons qui l’entourent ; six victimes, fusillées ou déportées, ont payé de leur vie ces journées tragiques. Suite à ces événements et sur décision du Général de Gaulle, la croix de guerre 1939/45, avec palmes, sera attribuée à Rouffignac et remise le 11 novembre 1948 par Général Duchet.
Le 31 mars 1944 au matin, la division Brehmer entre dans le bourg de Rouffignac, lance des tirs de mortier sur les habitations, pénètre dans les maisons, rassemble les hommes sur la place du village, les trie selon leur âge, d’un côté les plus de 50 ans, de l’autre, chargés dans des camions, les moins de 50 ans.
Pour commémorer le souvenir de cet épisode dramatique de l’Histoire de Rouffignac, un « Espace Mémoire », associé à l’Office de Tourisme, a été inauguré le 31 mars 2019. Situé en centre-bourg, place Simone Veil, il est ouvert aux visites libres en saison estivale.
On y voit une vidéo rapportant les interviews avec les témoins de l’époque. On y découvre des panneaux retraçant les dates, les faits, les biographies des personnages héroïques ou misérables. On y admire une maquette représentant Rouffignac et ses lieux principaux qui virent les événements tragiques. On y voit des armes, des munitions, des planches et une présentation des livres qui furent consacrés à ces tragiques faits de guerre.
La journée, très remplie, très riche, nous fait attendre avec impatience l’an prochain.